
ANDRÉ MALRAUX. La condition humaine. Paris, NRF, janvier 1933-juin 1933. 6 vols. in-8 (227 x 142 mm) brochés, couvertures imprimées d’éditeur, emboîtage.
Édition pré-originale.
Le tirage des grands papiers, non annoncé, se limiterait à une centaine d’exemplaires sur papier vélin pur fil.
LE NUMÉRO 65 POUR CHAQUE LIVRAISON, DES PREMIERS EXEMPLAIRES SUR VÉLIN.
Très beaux exemplaires, conservés tel que parus. D’une insigne rareté en grands papiers, dans cette condition de conservation et portant tous le même numéro.
L’ensemble est conservé dans un emboîtage particulièrement soigné signé Benjamin Elbel.
5 000 €
« La pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne. »
Quand, dès 1931, il pense à sa prochaine publication après ses deux premiers romans asiatiques que sont Les Conquérants (1928) et La voie royale (1930), André Malraux est depuis quelques années fidèle à son tempérament voyageur et aventurier, autodidacte et, en homme de son temps, libre de toute convention littéraire. Editeur artistique pour Gallimard, il est alors en expédition iconographique pour faire le pont entre monde antique grec et mystique bouddhiste. L’activité frénétique de Malraux le pousse à une écriture sans cesse interrompue, transformant ce qui semble être un obstacle en un mode d’écriture structurel foisonnant et par certains égards cinématographiques, où les points de vue des personnages adversaires se succèdent sans jamais se rencontrer, leur lutte étant désormais sans fin, peut-être une impasse. Ainsi, dans cette fresque historique qui relate l’insurrection des communistes chinois contre le pouvoir établi en 1927, l’individu et le singulier disparaissent, le combat devenant collectif et universel, l’auteur prenant soin d’effacer toute trace d’exotisme ou de pittoresque. Le titre en est une preuve éloquente, référence à « la condition des hommes » de Blaise Pascal que Malraux affectionne, et qu’il cite aux travers des pensées de son personnage Gisors, professeur d’histoire de l’art occidental perdu dans les fumées de l’opium, et qui voit en la mort de son fils Kyo « une métamorphose »… Avant d’être un roman trop facilement affublé d’existentialiste, La condition humaine est un récit qui, au travers des tourments humains, abandonne l’égotisme et la pure psychologie des personnages pour l’acte sans compromission et cependant souvent impossible. Malraux dira l’attention accrue qu’il a accordée à cette œuvre qui tient une place particulière dans son parcours d’écrivain. Quand il en publie les premiers chapitres en janvier 1933 dans la NRF, il n’a pas encore fini d’en écrire l’épilogue, mêlant l’urgence de l’action romanesque à celle réelle de l’écrivain. Si la pré-publication constitue bien le texte original de ce chef d’œuvre, la dernière livraison en juin ne met pourtant pas de point final à l’histoire éditoriale de l’opus. Pour son auteur encore en quête du récit toujours plus juste, la publication en volume nécessite un travail supplémentaire. C’est cette seconde version achevée d’imprimer le 5 mai, qui fera foi pour octroyer au roman le Prix Goncourt le 7 décembre 1933. De la montée du nazisme en Allemagne qu’il dénonce au franquisme qu’il combat avec L’espoir (1937), les événements historiques poussent Malraux à d’autres engagements, pour devoir attendre 1946, et mettre à jour une seconde fois La condition humaine. Ainsi, le lecteur ne peut comprendre ces modifications sans y percevoir la considération primordiale et continue que Malraux avait pour ce récit entre volonté et fatalité, et qui « nous transmet notre voix intérieure ». Édition pré-originale de cette œuvre littéraire universelle, avant la version définitive parue en librairie en mai 1933 chez Gallimard qui obtiendra le prix Goncourt la même année. Cette pré-publication donne ainsi à voir une première version remaniée en 6 livraisons à partir de janvier 1933 à juin 1933, qu’il fait paraître dans La NRF.